Une musulmane voilée n'a pas pu être témoin au mariage de son frère
aouel Chliah a failli être témoin au mariage de son frère. Cette jeune femme de 21 ans s'est présentée avec toute sa famille à la mairie de Morez, petite ville du Jura, le 10 septembre à 16 heures. Son frère, Ridouane, devait prendre ce jour-là pour épouse Najat Akka, devant l'adjointe au maire, Nicole Cooche.
A peine la jeune Naouel avait-elle pris place dans la salle des mariages que la secrétaire de mairie, Dalila Camelin, la priait d'ôter le voile qui lui couvrait les cheveux. "Je n'ai même pas eu le temps de m'asseoir, raconte Naouel Chliah. Elle m'a affirmé : "C'est la loi du code civil qui le dit." Je n'ai pas voulu faire de scandale. J'ai fait appel à ma soeur, qui n'est pas voilée, pour me remplacer. Celle-ci n'avait pas ses papiers d'identité avec elle. La secrétaire de mairie a dit que ce n'était pas grave et qu'elle n'avait qu'à repasser en mairie la semaine suivante avec ses papiers."
Naouel Chliah a déposé plainte, le 13 septembre, pour discrimination religieuse à la gendarmerie. Elle a également saisi le Collectif contre l'islamophobie en France (CCIF), une association qui a pour but de lutter contre les discriminations envers les musulmans.
De son côté, le maire (UMP) de Morez, Jean-Paul Salino, défend son employée de mairie. Selon lui, elle n'a fait qu'appliquer la "loi" . Le texte en cause est en réalité une circulaire du 2 mai, émanant du ministère de la justice, "relative à la lutte contre les mariages simulés ou arrangés" . Celle-ci spécifie que l'officier de l'état civil doit "vérifier visuellement l'identité des époux ainsi que des témoins" .
Le texte précise : "Le port d'une pièce vestimentaire dissimulant le visage d'un des futurs époux ou d'un témoin, qu'elle ait une vocation religieuse, traditionnelle ou décorative, ne permet pas à l'officier de l'état civil de contrôler la réalité du consentement des époux, ni de s'assurer de l'identité, ce qui fait notamment courir le risque de substitution de personne." Naouel Chliah affirme que son voile couvrait seulement ses cheveux. "Mon visage n'était pas dissimulé. J'estime que je suis une bonne citoyenne. S'il y avait eu une loi, je l'aurais appliquée, mais il n'y a rien. C'est pour cela que j'ai porté plainte."
Le maire de la ville admet que le visage de la jeune femme n'était pas dissimulé. Pour lui, le refus de l'employée était motivé avant tout par la laïcité. "Pour moi, tous ces signes distinctifs à caractère religieux sont interdits en mairie, un point c'est tout, insiste-t-il. Nous sommes dans une République laïque."
"C'EST LA RÈGLE"
M. Salino reconnaît qu'il accepte dans sa mairie des mariées portant le traditionnel voile en tulle, un chapeau ou une capeline. "Ce ne sont pas des signes religieux, souligne-t-il. Dès qu'il y a une connotation religieuse, on enlève, c'est la règle."
Le Collectif contre l'islamophobie a relevé plusieurs cas d'élus récusant des mariées ou témoins portant le voile : à Boulogne (Hauts-de-Seine) en décembre 2003, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne) en avril 2004, à Saint-Fons (Rhône) en septembre 2004. A Nogent-sur-Marne (Val-de-Marne), le maire (UMP), Jacques Martin, demande aux mariés de ne porter aucun signe religieux ostentatoire.
Xavier Ternisien
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